Les humains sont-ils des entités matérielles ?

Linguistique, Langues et Parole (LILPA), Place De L'Université - 67084 Strasbourg Cedex

^* contact : matthias.tauveron@etu.unistra.fr

Résumé

Nous étudions la sémantique des noms d’humains dans le lexique français. Dans la littérature, ces noms ont un positionnement indéterminé ou ambigu par rapport au critère concret/abstrait. Ce fait est regrettable car ce critère est considéré comme fondamental. Nous montrons leur positionnement particulier vis-à-vis de ce critère au travers de l’étude de métaphores attestées en corpus dans divers textes écrits. Nous suivons l’optique de Lakoff et Johnson en considérant que la métaphore est un révélateur des catégories de pensée. Dans cet esprit, la question est de savoir si les humains sont des entités matérielles ou non. L’étude est menée sur deux paramètres définitoires des entités matérielles : la masse et la spatialité. Nous apportons des caractérisations lexicales de ces deux propriétés. La masse est envisagée généralement, autour des noms, adjectifs et verbes relevés dans les dictionnaires. Nous proposons une synthèse des divers paramètres dénotant la spatialité dans la littérature, sous la forme de six points indépendants (forme, intérieur/extérieur, sous-parties, changement de posture, localisation, déplacement). L’étude de la spatialité est menée systématiquement dans ces directions grâce à des tests issus des caractérisations lexicales de ces aspects. Les tests font voir que, si les humains sont dotés d’une certaine dimension matérielle (qu’ils partagent ainsi avec les objets concrets), ils ont également au moins trois autres dimensions qui font qu’ils ne se réduisent pas à des objets matériels. Nous montrons ainsi que l’humain est, dans le lexique français, doté d’une multiplicité ontologique : en plus d’une dimension matérielle, il dispose d’une dimension psychologique, une dimension praxéologique et une dimension sociale. De plus, l’étude des métaphores montre que la dimension matérielle est souvent réduite voire anéantie par rapport aux trois autres. Par exemple, l’adjectif tordu (dont le sens premier est spatial) prend, lorsqu’il est appliqué à des noms d’humains, un sens psychologique, ce qui contribue à montrer que la dimension matérielle des humains est réduite au profit de leur dimension psychologique.