Les si-indépendantes dans l’interaction : un continuum d’insubordination

Université de Neuchâtel

^* anne-sylvie.horlacher@unine.ch

Résumé

Cet article interroge les structures si-indépendantes (p.ex. si vous pouvez parler un peu plus fort) dans des données interactives authentiques (des appels d’urgence et des interactions chez le coiffeur) et propose de montrer que le statut indépendant de certaines de ces occurrences peut être remis en cause. Sur le plan grammatical, les si-indépendantes peuvent être rapprochées de conditionnelles du type [si X, (alors) Y]) dont la proposition principale n’est pas produite. Ces structures relèvent ainsi du phénomène de l’insubordination (Evans 2007, Beijering, Kaltenböck & Sansiñena 2019) et se définissent comme autonomes sur le plan prosodique, syntaxique et pragmatique (Couper-Kuhlen & Thompson 2022). Toutefois, les corpus authentiques révèlent une image beaucoup plus diversifiée et complexe du format si-indépendant, dont plusieurs occurrences ne répondent pas stricto sensu aux critères de l’insubordination. Notre réflexion s’inscrit dans la lignée des travaux actuels qui argumentent dans le sens d’un continuum d’insubordination des structures si-indépendantes, proposant différents degrés d’autonomie prosodique (Debaisieux, Martin & Deulofeu 2019, Lombardi Vallauri 2016), d’intégration syntaxique (Günthner 2020, Maschler 2020, De Stefani 2021) ou encore de dépendance pragmatique à l’égard du discours antérieur et des tours de parole adjacents, que ce soit par le même locuteur ou un autre (Mithun 2008, Gras & Sansiñena 2015, Maschler 2018). Nous menons cette investigation dans le champ de la linguistique interactionnelle (Ochs, Schegloff & Thompson 1996, Couper-Kuhlen & Selting 2018), en élargissant ainsi les observables au langage pris dans son écologie multimodale. En abordant certaines structures en si elliptiques syntaxiquement mais complétées gestuellement, cette contribution alimente aussi les recherches récentes menées à l’interface grammaireet-corps (p.ex. Pekarek Doehler, Keevallik & Li 2022). Elle permet de réfléchir à la façon dont les ressources mimo-gestuelles et les postures corporelles s’entrelacent à la grammaire, proposant une amélioration significative de la description des structures hypothétiques en si.