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SHS Web Conf.
Volume 191, 2024
9e Congrès Mondial de Linguistique Française
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Article Number | 13004 | |
Number of page(s) | 18 | |
Section | Sociolinguistique, dialectologie et écologie des langues | |
DOI | https://doi.org/10.1051/shsconf/202419113004 | |
Published online | 28 June 2024 |
Le linguiste à l’épreuve de la nostalgie : l’étiolement linguistique en Forez, terroir francoprovençal
1 Sorbonne Université – Faculté des Lettres – UFR de Langue française – France
2 Institut national du patrimoine – France
En Forez, aux confins ouest du domaine francoprovençal, l’étiolement linguistique semble s’être déroulé, depuis les années 1925, sans un accroc, dans le silence des politiques locales, qui font pourtant grand cas de l’ancien parler des ouvriers stéphanois, le gaga. Cependant, le sociolinguiste qui se penche sur la situation actuelle du Forez a tôt fait de remarquer la permanence de comportements et de représentations sociales et linguistiques qui ne semblent pas dénuées de liens avec le patois disparu. Une série d’enquêtes de terrain menées de 2020 à 2023 a révélé la manière dont les systèmes socioéconomiques de la plaine et des monts du Forez, radicalement différents, ont entraîné des déroulements très divers du processus d’étiolement linguistique. L’insécurité linguistique aiguë ressentie par les ouvriers agricoles de la plaine, aux conditions de vie rudes, a mené à un rejet du patois et à une rupture de la transmission de sa mémoire, entachée de honte; dans les Monts en revanche, où la commune paysanne a fait corps face au développement des bourgs, la disparition du patois est simplement celle de la génération née avant et pendant la Seconde guerre mondiale. L’imaginaire linguistique forézien est, quoi qu’il en soit, peuplé de figures; le patois n’a plus d’existence que dans et par les souvenirs du monde où il était parlé. On le donc laisse mourir de sa belle mort. Bien que l’idéologie unilinguiste suscite encore à ce propos quelque malaise, on se plaît finalement à se le rappeler comme un souvenir d’enfance, et on s’empresse de désigner des hérauts d’armes, chargés de dicter la représentation métalinguistique collective. La patrimonialisation du patois est pourtant loin d’être amorcée. Les Foréziens redoutent qu’elle soit synonyme de dépossession de leur langue maternelle, à l’image de ce qu’il advint pour le parler gaga, extrait de son foyer d’origine, et souvent utilisé aujourd’hui pour faire rire les nouveaux venus à Saint-Étienne. Ils préfèrent parler du patois comme d’un héritage, qu’ils n’ont pas choisi, qui a été, souvent, cause de souffrance, mais qui, surtout, reste attaché aux noms de leurs anciens, à leurs sabots, et au monde dans lequel ils vécurent.
© The Authors, published by EDP Sciences, 2024
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